Inondations, sécheresses, glissements de terrain, tempêtes, submersion des littoraux... Ces catastrophes naturelles se produisent partout dans le monde et semblent inévitables. Pourtant, il faut savoir que les intempéries mènent à des catastrophes, la plupart du temps, à cause des décisions prises par les humains : c'est souvent la transformation du territoire qui rend un événement météo destructeur. Pour atténuer les dégâts provoqués par les colères du ciel, de plus en plus d'organisations environnementales plaident en faveur de l'utilisation des « Solutions fondées sur la Nature ».
C'est bien la détérioration des terres et des littoraux qui amplifie l'impact des intempéries météo. Partant de ce constat, une idée a germé il y a une dizaine d'années au sein de l'Organisation des Nations unies (ONU) : en préservant, et en restaurant, des écosystèmes naturels, on peut fortement limiter les dégâts des catastrophes naturelles. Officiellement définies par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), les « Solutions fondées sur la Nature » sont « des actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les défis de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité ». Dans ce cadre, trois types d'actions sont menés : la préservation des écosystèmes, l'amélioration de leur gestion, et la restauration des zones dégradées par les activités humaines. Concrètement, sont concernées la flore, la faune, le sol des forêts et littoraux, mais aussi les déserts, prairies ou encore tourbières. Ces actions sont adaptables partout dans le monde, y compris en milieu urbain.
Les zones humides : des éponges naturelles
Selon l'ONU, 90 % des catastrophes dans le monde sont liées à l'eau. Les zones humides, comme les mares, avec leurs végétaux et leur sol particulier, agissent comme des éponges et absorbent les excès d'eau, évitant ainsi les inondations en cas de fortes pluies. En France, l'UICN a récemment travaillé sur les bords de la Loire en restaurant certaines mares à proximité du fleuve et en plantant davantage de végétaux sur les berges pour limiter la vitesse du courant. De plus, l'eau stockée dans les zones humides restaurées alimente les nappes phréatiques et cela permet de diminuer les risques de sécheresse. Ce même type d'actions a aussi été réalisé en Essonne (L'Orge) et en Franche-Comté (rivière Drugeon). La re-végétalisation des mares et cours d'eau a également permis d'accueillir davantage d'espèces animales, mais aussi de restaurer la capacité d'auto-épuration.Les mangroves, comme celles du Sri Lanka, sont connues pour leur effet en cas de tempête, inondation ou tsunami. Leur végétation permet de diminuer la puissance des vagues qui déferlent sur le littoral et donc de ralentir la montée des eaux. Ces marais maritimes sont remplis de végétaux multiples, serrés, et profondément enracinés qui permettent d'atténuer l'impact des vagues.
Les racines : stabiliser le sol et drainer les excès d'eau
Les arbres, avec leurs racines profondes, permettent de stabiliser le sol et d'éviter les glissements de terrain. Dans certains pays, l'ONU aide les habitants à aménager des routes écologiques et sûres avec certaines plantes dont les racines stabilisent les routes qui ont tendance à s'effondrer en cas de pluies diluviennes. Les résineux (pins) en montagne sont de formidables stabilisateurs du sol, mais certaines plantes jouent également le même rôle, grâce à leurs racines très profondes, comme le genévrier et le vétiver.En dehors des arbres, le rôle des prairies naturelles est souvent méconnu. Ces zones, fortement menacées par l'urbanisation en France, possèdent pourtant des pouvoirs contre les catastrophes naturelles. Une action en cours vise à protéger et à développer les prairies naturelles de la vallée de l'Oise, pour limiter le risque d'inondations, car l'eau est absorbée par les racines. Sur ces zones inondables, on produit désormais un foin de qualité, avec une eau plus saine, filtrée par les plantes.
Les tourbières : indispensables pour lutter contre le changement climatique
Les zones de tourbières représentent seulement 3 % du monde et jouent pourtant un rôle fondamental pour la régulation du climat. Elles ont la capacité de séquestrer plus de carbone que n'importe quel autre espace naturel. Le dioxyde de carbone est un gaz à effet de serre qui contribue au réchauffement climatique. Mais lorsqu'elles sont dégradées, retournées et surexploitées, les tourbières deviennent alors des sources immenses de carbone, rejetant dans l'atmosphère tout ce qu'elles ont stocké. C'est la raison pour laquelle l'Indonésie, le pays qui possède la plus grande surface de tourbières au monde, a récemment lancé un programme de protection de ces zones.
La faune : une alliée précieuse
La faune locale joue également un rôle non négligeable. Si certains connaissent le rôle des coraux, ces barrières naturelles qui atténuent l'effet dévastateur des tsunamis, peu connaissent l'importance de certains animaux marins. Les poissons-perroquets ont tendance à broyer les coraux avec leur puissante mâchoire en forme de bec : ils les rejettent ensuite sous forme de sable, jusqu'à 90 kilos par an ! Ce sable forme ensuite, à son tour, une barrière à proximité des côtes, atténuant l'impact des vagues. Il n'est bien sûr pas possible d'empêcher un tsunami de se produire, mais on peut limiter ses conséquences en préservant la biodiversité des bords côtiers.
Dans les grands espaces américains des Rocheuses, il a été prouvé que la biodiversité végétale était plus grande dans les zones fréquentées par les bisons, ou par le bétail en liberté qui bénéficie de rotations régulières de pâtures : en labourant le sol, et en rejetant certaines graines dans leurs excréments (qui ne germent qu'après avoir été digérées), les bisons et vaches rendent la végétation plus riche, et c'est ainsi toute la chaîne alimentaire végétale-animale qui en bénéficie, permettant par la même occasion de séquestrer plus de dioxyde de carbone dans le sol grâce aux plantes.
Les Solutions fondées sur la Nature permettent de plus de réaliser des économies sur le long terme : la ville de Portland (Maine) aux États-Unis, a pris la décision d'utiliser une forêt pour filtrer l'eau de la ville, au lieu de construire un système d'assainissement des eaux. En évitant de construire une infrastructure coûteuse qui demande de l'entretien, la ville aurait ainsi économisé 155 millions de dollars en 20 ans ! Les co-bénéfices de ces solutions naturelles sont également nombreux, comme le développement du tourisme intéressé par la découverte de zones sauvages et le bien-être généré par un cadre de vie agréable et moins pollué.
L'idée derrière le concept des Solutions fondées sur la Nature, c'est finalement que les hommes doivent travailler avec la nature, plutôt que de travailler contre elle.
Comments