OASIS DURABLE
Il y a 4 ans, Luc et Lily Muyldermans nous faisaient visiter leur maison hors du commun près de Montréal. Depuis, ils ont inspiré de nombreux projets similaires.
C'est un oasis tempéré, à l'abri de la rudesse du climat québécois. Une première couche de neige commence déjà à recouvrir la campagne autour de la maison de Luc Muyldermans. Mais dans sa maison passive, il ne craint pas l'hiver, si rigoureux soit-il dans la région.
Au contraire ! C'est à cette période de l'année que la serre qu'il a bâtie tout contre sa maison est la plus agréable. Grâce au double vitrage de sa “serre d'abondance” et aux solutions mises en place pour stocker la chaleur, un soleil timide suffit à faire pousser des rangées entières de salades. Avec sa femme Lily, ils peuvent profitent d'un jardin couvert, boire leur café au milieu de la verdure, quand tout est gelé à l'extérieur.
L'architecte d'intérieur Maïlys Dorn nous avait fait découvrir cette maison extraordinaire il y a quatre ans. Elle faisait alors le tour du monde, à la rencontre de ceux et celles qui construisent “l'habitat de demain”.
Luc et Lily Muyldermans font partie de ses rencontres les plus inspirantes. Alors nous avons voulu prendre de leurs nouvelles, et savoir ce qui, en 4 ans, avait changé pour eux, de l'autre côté de l'Atlantique. Tiennent-ils le cap de cette vie en autonomie ?
Une vie paisible, en quasi-autonomie
Comme une grande partie de la planète, ils ont traversé deux confinements. Avec leur maison à la campagne et leur serre si spéciale, cela ne les a “pas tellement atteints”, nous confie Luc, par téléphone cette fois : “on avait des activités utiles et agréables”. À commencer par s'occuper de leur potager.
Une activité qui rythme ses journées depuis longtemps. “Le métier de mon père, c'était cultivateur sous serre, nous raconte-t-il, nous dévoilant d'où lui est venue l'inspiration. Je suis né dans ce milieu en Belgique, j'étais gardé dans les serres et plus tard j'y ai travaillé.”
En s'installant au Québec, cet ingénieur de formation s'est attaqué avec sa femme à la rénovation de cette vieille maison du début du 20e siècle. Et c'est tout naturellement qu'il a décidé d'y accoler une serre, pour atteindre deux objectifs : une certaine autonomie, avec des légumes plus que frais - il leur suffit de passer la porte de la cuisine pour faire leur cueillette ; et une empreinte carbone considérablement réduite - tout ce qu'ils font pousser chez eux, c'est autant de camions en moins sur les routes pour remplir leur assiette.
De ce point de vue, rien n'a changé depuis la visite de notre architecte baroudeuse. Quand Maïlys est venue chez eux, la serre était déjà en place depuis 40 ans. Luc venait juste de faire quelques travaux, essentiellement pour protéger les pièces de bois de la condensation qui se formait sur le vitrage. Avec ces petites améliorations, la serre devrait rester en place encore de nombreuses années.
D'ailleurs, Luc Muyldermans s'imagine très bien vieillir ici. “L'arrosage se fait avec un tuyau, il n'y a pas de difficulté particulière,constate-t-il. On est capables de rester dans cette maison très longtemps.”
Des serres d'abondance partout au Québec… et dans le monde ?
Alors, rien n'a bougé en 4 ans ? Dans la serre en elle-même non, mais dans le monde alentour, si ! Car depuis 2015, Solution Era, “l'Académie des solutions éthiques, résilientes et abondantes”, propose une formation en ligne pour apprendre à construire une serre similaire chez soi, plans et vidéos à l'appui.
Et de plus en plus d'élèves s'inscrivent chaque année. “Il y a énormément de personnes qui veulent construire ou rénover leur bâtiment en adjoignant une serre, des milliers d'élèves font la construction ou en ont projet,s'enthousiasme Luc. C'était inconnu au Québec, et ailleurs aussi relativement inconnu, et ça se diffuse énormément. Il y a un impact urbanistique, les municipalités n'avaient pas l'habitude de donner des permis pour ce type de projet, et c'est de plus en plus possible.”
Plusieurs écoles québécoises ont pris contact pour construire des serres éducatives, accolées à leurs bâtiments. Même si, au Québec, les crèches peuvent se dérouler en plein air y compris les jours de grand froid (c'est bon pour la santé !), on visualise très bien l'intérêt de ces jardins abrités pour des enfants de tous âges.
En France aussi, le concept développé par Luc Muyldermans fait des adeptes (l'avantage, c'est que dans l'hexagone, du simple vitrage suffit la plupart du temps). Ce succès est, on le comprend facilement, “réellement exaltant” pour lui. Porteur d'espoir aussi peut-être ? Ce précurseur de l'habitat écologiste est-il optimiste pour l'avenir, au sortir de la COP26, la dernière conférence internationale sur les changements climatiques ?
Face à cette question, il assume “une position iconoclaste” : “On a beau vouloir diminuer notre consommation énergétique, dans quelques années, nous serons 8, 9, 10 milliards sur la Terre. Chaque personne est consommatrice d'énergie. Une des plus grosses évolutions à faire, c'est de limiter la croissance de population à travers la contraception. Une limitation éthique, on s'entend.”
Construire des serres accolées à nos maisons ne sauvera pas l'humanité, on est bien d'accord. Mais c'est déjà une partie de la solution. D'ailleurs, si vous voulez en savoir plus sur la façon dont Luc Muyldermans a conçu sa maison passive, pour qu'elle bénéficie au mieux des apports du soleil, c'est par ici.
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