La recherche de sources d’énergie verte, durables, sans impact conséquent sur l’environnement, est l’un des enjeux majeurs de notre époque. Le changement climatique ’accélère, les ressources s’épuisent, alors que toutes les technologies permettant de lier notre mode de vie ultra-connecté et l’écologie ont le vent en poupe. Récemment, des chercheurs américains ont démontré la capacité de certaines algues à maintenir, en état de marche, un processeur informatique pendant près d’un an ! Ces résultats prometteurs pourraient indiquer une potentielle solution à la demande énergétique croissante de nos équipements électroniques.
L’Internet des objets (IdO), ou IOT en anglais (Internet Of Things), est l’interconnexion entre l’Internet et des objets, des lieux et des environnements physiques. L’appellation désigne un nombre croissant d’objets connectés à Internet, permettant ainsi une communication entre les biens dits physiques et leurs existences numériques. Des sources d’énergie durable, abordables et décentralisées, sont donc nécessaires pour alimenter ce réseau d’appareils électroniques.
La consommation d’énergie d’un seul appareil connecté à Internet est souvent modeste, ceux-ci nécessitant une puissance allant du μW (microwatt) au mW (milliwatt). Mais le nombre d’appareils a déjà atteint plusieurs milliards et devrait atteindre mille milliards d’ici 2035, nécessitant un grand nombre de sources d’énergie portables (batteries ou récupérateurs d’énergie). Cependant, les batteries reposent en grande partie sur des matériaux coûteux et non durables (éléments de terres rares), et leur capacité de charge finit par s’épuiser. Les collecteurs d’énergie existants (solaire, température, vibration) durent plus longtemps, mais peuvent avoir des effets néfastes sur l’environnement. Notamment, des matières dangereuses sont utilisées dans la production du photovoltaïque.
Dans ce contexte, une équipe de l’Université de Cambridge, menée par Christopher Howe du département de biochimie, a développé un système capable de générer de l’énergie avec des algues. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Energy & Environmental Science.
La photosynthèse comme moteur
Dans l’objectif de créer un appareil photosynthétique, capable de générer de l’énergie par lui-même, l’équipe s’est intéressée à une algue non toxique appelée Synechocystis, ou « algue bleu-vert », utilisée notamment dans la recherche médicale. Elle utilise naturellement l’énergie du soleil grâce à la photosynthèse et produit de l’oxygène. Mais la question était de savoir si cela serait suffisant pour alimenter de petits appareils électroniques, et ce, de façon pérenne.
En termes simples, le système, de taille comparable à une pile AA, contient l’algue réalisant la photosynthèse. Le faible courant électrique ainsi généré interagit ensuite avec une électrode en aluminium et est utilisé pour alimenter un microprocesseur.
Dans une expérience, l’appareil a été utilisé pour alimenter un Arm Cortex M0+, un microprocesseur largement utilisé dans les appareils connectés. Plus précisément, le système alimente uniquement le processeur Cortex-M0+ de la puce test, d’une puissance minimale de 0,3 µW. La carte électronique test vérifie le fonctionnement du processeur et mesure le potentiel et l’intensité de la sortie électrique du dispositif photosynthétique. Les données sont transférées vers un système cloud, via un Raspberry-pi et un routeur. Le reste de la puce test, autre que le processeur Cortex-M0 +, ainsi que tous les autres composants électroniques de la carte test, le Raspberry-pi et le routeur, sont alimentés sur secteur.
Dans un premier temps, l’appareil photosynthétique a été testé en conditions de laboratoire avec une exposition de 6h à la lumière, puis 6h d’obscurité, à une température constante de 22 °C. Dans un second temps, il a fonctionné dans un environnement domestique, avec des conditions semi-extérieures sous la lumière naturelle et les fluctuations de température associées. Le montage a produit, durant six mois, assez d’électricité pour faire fonctionner le processeur. Ce dernier fonctionnait par cycles : 45 min en mode calcul et 15 min en mode veille, pour simuler une utilisation classique.
Le Dr Paolo Bombelli, du département de biochimie de l’Université de Cambridge et auteur principal de l’étude, déclare dans un communiqué : « Nous avons été impressionnés par la régularité du fonctionnement du système sur une longue période — nous pensions qu’il pourrait s’arrêter après quelques semaines, mais il a continué ». En effet, après les 6 mois d’expérimentation, le dispositif a poursuivi son activité pendant encore 6 mois, aboutissant à une durée totale de près d’un an.
Le système est fait de matériaux courants, peu coûteux et largement recyclables. Cela signifie qu’il pourrait facilement être reproduit des centaines de milliers de fois pour alimenter un grand nombre de petits appareils dans le cadre de l’Internet des objets. Les chercheurs estiment qu’il est susceptible d’être le plus utile dans des situations hors réseau, ou dans des endroits éloignés, où de telles petites quantités d’énergie produites peuvent être très utiles. C. Howe souligne : « Notre appareil photosynthétique ne se décharge pas comme une batterie, car il utilise continuellement la lumière comme source d’énergie ».
De plus, l’algue n’a pas besoin d’être nourrie, car elle crée sa propre nourriture lors de la photosynthèse. Et malgré le fait que la photosynthèse nécessite de la lumière, l’appareil poursuit sa production d’électricité pendant les périodes d’obscurité. Les chercheurs pensent que cela est dû au fait que l’algue transforme une partie de sa nourriture lorsqu’il n’y a pas de lumière, ce qui continue à générer un courant électrique.
L’utilisation d’autres matériaux recyclables, se trouvant en abondance sur Terre, soutiendrait une diffusion de cette technologie dans des zones où l’énergie est rare et où les moyens financiers le sont tout autant. Néanmoins, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour rendre opérationnelle cette avancée, en vue d’une future commercialisation. Elles pourront également permettre de trouver d’autres espèces d’algues avec un rendement plus grand.
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